Un avocat vous répond : quels recours quand le contrat de construction d’une maison n’est pas respecté ?
Conformément à votre demande, je reviens vers vous en ce qui intéresse l’analyse des difficultés que vous rencontrez avec le constructeur de maisons individuelles que vous avez mandaté pour réaliser une telle maison près de votre domicile actuel : vous me précisez à ce titre que, après qu’ait été constatée une impossibilité d’utilisation par un véhicule motorisé de la rampe d’accès au garage dont la pente était trop forte, le constructeur a finalement décidé de régler cette problématique en rehaussant le sous-sol de deux parpaings, avec les conséquences induites sur l’ensemble de la maison dont la circulation de ses réseaux.
Dans ces conditions, une évacuation des toilettes se retrouve désormais visible, en saillie, tout près de la porte d’entrée, le constructeur s’opposant à toute reprise de cette évacuation d’eaux usées sous le prétexte de la survenance qui en résulteraient d’autres problèmes.
Vous vous interrogez sur les recours dont vous disposeriez contre ce constructeur de maisons individuelles.
1. A cet égard, l’engagement de la responsabilité du constructeur paraît pouvoir être envisagée, spécifiquement sur un terrain contractuel.
1.1 De manière générale, il résulte en effet du droit commun que le contrat est « la Loi des parties », l’article 1101 du Code civil rappelant que chaque partie s’oblige par les termes du contrat, de sorte qu’il sera possible de démontrer que le constructeur de maisons individuelles n’a, en l’occurrence, pas respecté son obligation d’implantation des réseaux, que ce soit de manière générale puisqu’il n’était pas prévu au contrat l’implantation de deux rangs de parpaings complémentaires (ce qui impliquera toutefois que vous me confirmiez que vous n’avez régularisé aucun avenant de ce chef) ou plus spécifiquement au regard des plans d’exécution de la construction que vous avez sans doute régularisés, et qui devaient nécessairement faire état du passage de ces réseaux dans le sous-sol.
Du reste, c’est encore ce que prévoient les dispositions spécifiquement attachées au contrat de construction de maison individuelle, issues de la Loi du 22 décembre 1990 d’ordre public, et codifiées désormais aux articles L.230-1 et suivants et R.231-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.
Il en résulte notamment que le contrat de construction de maison individuelle doit énoncer la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire, qui engagent contractuellement le constructeur.
Au demeurant, le constructeur de maisons individuelles est en charge de la conception du projet de sorte qu’il lui incombait de vous soumettre une solution technique évitant la création d’une nouvelle problématique à l’occasion du rehaussement de la maison, lui-même causé par sa première erreur.
A titre d’exemple, la jurisprudence a déjà été conduite à confirmer que l’erreur d’altimétrie par rapport au plan de masse signé par les parties engage la responsabilité du constructeur (Cass. 3e Civ., 17 septembre 2014, n° 12-24.122 et 12-24.612 ; Cass. 3e Civ., 6 décembre 2018, n° 17-28.513 ; Cass. 3e Civ., 4 mai 2016, n° 15-15.899).
En tout état de cause, il incombait au constructeur de maisons individuelles, au titre de son devoir de conseil, notamment en rapport avec ce défaut d’implantation altimétrique de la maison, de vous informer sur les risques et conséquences d’une telle implantation (Cass. 3e Civ., 27 janvier 2010, n° 08-18.026) et les solutions palliatives qu’il entendait mettre en œuvre pour recueillir votre aval sur celles-ci.
Dès lors en l’espèce que vous semblez accepter la solution technique étant passée par le rehaussement du sous-sol par l’implantation de deux rangs de parpaings, il conviendra tout au plus sur ce point de s’assurer que cette modification a été régularisée par rapport à la réglementation d’urbanisme, notamment par l’obtention auprès du service instructeur de la Commune considérée d’un permis de construire modificatif (ou à défaut qu’elle est à tout le moins régularisable).
Le programme confié au constructeur visant la réalisation d’une maison conforme au permis de construire délivré par l’autorité administrative compétente, il est en effet indispensable de s’assurer que la construction effectivement réalisée par le constructeur correspond en tous points à l’autorisation d’urbanisme délivrée, sous peine de devoir connaître des difficultés avec la collectivité en ce qui intéresse la vérification de cette conformité au permis de construire, ou plus généralement avec tout acquéreur en cas de revente.
1.2 A revenir strictement à la question de l’implantation des réseaux, la difficulté paraît alors davantage technique que juridique puisqu’il semble que le constructeur ne soit pas disposé à réfléchir en bonne intelligence à la découverte d’une solution esthétiquement satisfaisante.
Dans une telle hypothèse, afin d’identifier les solutions techniques et coûts réparatoires y afférents, il apparaît alors utile de saisir la Juridiction des référés aux fins de désignation d’un Expert judiciaire dont le rôle sera précisément, après s’être rendu sur site et avoir pris connaissance au contradictoire des parties des débats les opposant, d’identifier les solutions réparatoires envisageables, leurs coûts et délais.
Ainsi, il semble que les recours à envisager passent, avant l’introduction d’un recours au fond aux fins de vous voir indemnisé des préjudices subis notamment en rapport avec le coût des solutions réparatoires à mettre en œuvre, par la désignation d’un Expert judiciaire, dont il vous incombera d’assumer en première approche le montant de la consignation sur ses honoraires.
En préalable, il pourrait même être utile d’adresser une mise en demeure au constructeur d’avoir à payer les sommes afférentes aux travaux réparatoires nécessaires, et ce pour tenter de le faire évoluer dans sa position en lui rappelant ses obligations précitées (mise en demeure qui aura par ailleurs pour effet de faire courir les intérêts courant sur cette somme, par application de l’article 1344-1 du Code civil).
2. Dans cette attente, il est impératif que vous m’assuriez que la réception de l’ouvrage n’ait pas été prononcée ou que, à supposer qu’une réunion soit programmée à cet effet, vous vous assuriez d’émettre les réserves à la réception intéressant précisément les non-conformités litigieuses.
En l’espèce en effet, dès lors que le caractère habitable de la maison ne serait pas remis en cause du seul chef de ces non-conformités que vous dénoncez, vous ne pourrez pas vous en prévaloir pour vous opposer à quelque réception dès lors que l’ouvrage aura été achevé.
En revanche, il est essentiel que vous émettiez des réserves à la réception intéressant ces considérations, au premier rang desquels l’implantation non-conforme des réseaux, notamment en ce que ceux-ci sont visibles de l’extérieur, puisque à défaut vous seriez réputé avoir accepté l’ouvrage « en l’état ».
Alors que les dispositions de l’article 1792-6 alinéa 1er du Code civil prévoient en effet que « la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve », la jurisprudence confirme avec constance que la réception a un « effet de purge » des désordres et non-conformités apparents à la réception.
Dit autrement, tout grief apparent à la réception est réputé « couvert » par elle, sans que vous ne puissiez par la suite agir valablement contre le constructeur de maisons individuelles, qu’il s’agisse d’ailleurs en pareille hypothèse de véritables désordres donnant lieu à dommages ou de simples non-conformités même à effet purement inesthétique (Cass. 3e Civ., 8 novembre 2005, n° 04-16.932 ; Cass. 3e Civ., 3 mai 2001, n° 00-10.021 ; Cass. 3e Civ., 31 octobre 2001, n° 95-15.084), et ce quel que soit le fondement juridique envisagé.
Tout au plus faut-il ajouter comme exception celle ouverte par les dispositions de l’article L.231-8 du Code de la construction et de l’habitation spécifiquement consacrées, là aussi, au contrat de construction de maisons individuelles, qui ouvre la possibilité pour le maître de l’ouvrage de formuler des réserves complémentaires après la réception à la triple-condition que :
- La réception se soit faite hors la présence, aux côtés du maître de l’ouvrage, d’un professionnel habilité ;
- Ces réserves soient notifiées dans un délai de huit jours suivant la remise des clés consécutive à la réception ;
- Ces réserves soient notifiées au constructeur de maisons individuelles par LRAR.
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Au total, il convient à mon sens d’adresser une mise en demeure au constructeur de maisons individuelles afin qu’il reprenne le passage de ce réseau pour le dissimuler de la vue extérieure et assure les modifications consécutives à cette reprise, avant d’envisager, sans retour de sa part le cas échéant, la mise en place d’une expertise judiciaire doublée, par la suite, d’un recours au fond, à charge pour vous d’émettre impérativement toutes réserves expresses à la réception qui sera envisagée de cet ouvrage, sauf à dénoncer cette réserve dans un délai maximal de huit jours après la réception, par LRAR à destination du constructeur de maisons individuelles.
Maître Frédéric DALIBARD, Avocat au Barreau de Tours