Le crépi du mur en attente d’une injonction

La question posée par le lecteur de la Nouvelle République du Centre Ouest est la suivante :

« J’ai fait remplacer une haie par un mur de clôture. Le crépi est toujours en attente. L’entrepreneur relancé ne bouge pas. Comment le contraindre juridiquement ? »

Il résulte de la question posée que le lecteur a conclu avec un entrepreneur un contrat dit « contrat d’entreprise ».

Ce type de contrat régi par les dispositions des articles 1787 et suivants du code civil est une convention par laquelle une personne charge un entrepreneur d’exécuter en toute indépendance un ouvrage.

Il résulte par ailleurs d’une jurisprudence constante qu’un mur de clôture constitue évidemment un ouvrage au sens des dispositions ci-dessus.

La convention conclue entre le lecteur – qualifié en droit de « maître de l’ouvrage », et l’entrepreneur résulte, soit d’un contrat plus ou moins précis établi par l’entrepreneur et accepté par le maitre de l’ouvrage, soit plus simplement et plus fréquemment d’un simple devis établi par l’entrepreneur et accepté par le maître de l’ouvrage.

Dans l’un et l’autre cas, le document établi entre les parties doit préciser exactement la nature et l’étendue des travaux convenus.

En l’espèce, dès lors que le lecteur affirme que le crépi est en attente, il apparait clair que la convention conclue entre les parties portait sur l’édification d’un mur de clôture crépi.

Il n’est pas précisé les raisons pour lesquelles l’entrepreneur aurait abandonné le chantier ni depuis combien de temps.

Son abstention résulte-t-elle de l’impossibilité de réaliser un crépi par des températures négatives, ce dont il aurait dû informer son client ? A-t-il été relancé ? Qu’a-t-il répondu ?

Sous réserve de vérifier le contrat et le déroulement chronologique des évènements, l’entrepreneur pourra être mis en demeure d’achever son ouvrage dans un délai déterminé, par pli recommandé avec avis de réception, voir notamment en cas de refus de réception de la lettre, par sommation délivrée par huissier.

Dans l’un ou l’autre cas, la mise en demeure précisera qu’à défaut pour l’entreprise d’achever l’ouvrage spontanément, il pourrait y être contraint par toutes voies de droit.

Dans l’hypothèse où la carence de l’entreprise perdurerait, le lecteur serait amené à se prévaloir des dispositions de l’article 1217 du Code Civil selon lesquelles :

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation,

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation,

– obtenir une réduction du prix,

– provoquer la résolution du contrat,

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

En fonction des options qu’il choisira, le lecteur pourra :

– soit demander au juge de prononcer à l’encontre de l’entreprise une injonction de faire, en l’espèce, une injonction d’avoir à achever les prestations prévues au marché.

La demande d’injonction de faire peut être présentée au tribunal d’instance lorsque la valeur de la prestation dont l’exécution est réclamée n’excède pas le taux de compétence de cette juridiction.

Formée par voie de requête, elle est portée au choix du demandeur, soit devant la juridiction du lieu où demeure le défendeur, soit devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation. La requête contiendra :

– l’indication précise de la nature de l’obligation dont l’exécution est réclamée (en l’espèce la réalisation du crépi sur le mur construit),

– éventuellement les dommages intérêts qui seront réclamés en cas d’inexécution de l’injonction.

– soit faire assigner l’entreprise devant le juge compétent aux fins de fixation d’une astreinte journalière

– soit encore, solliciter du même juge une réduction de prix (hypothèse plus difficultueuse compte tenu du désaccord des parties sur le coût des travaux inachevés.)

Pour la mise en œuvre de ces procédures plus complexes, le demandeur pourra évidemment faire appel à l’avocat de son choix, dont les honoraires seront pris en charge au moins pour partie par son assureur de protection juridique.

Ceci rappelé, le lecteur apparait particulièrement discret sur les motifs possibles de l’abstention de l’entreprise. Celle-ci a-t-elle été réglée de sa première situation de travaux ? A défaut, elle serait évidemment fondée à opposer à son client « l’exception d’inexécution » et à exiger d’être réglée avant poursuite des travaux.

Le mur édifié est-il mitoyen ? Le crépi doit-il être réalisé au moins pour partie sur la propriété voisine ? Dans l’affirmative, le lecteur serait conduit à solliciter lui-même l’accord de son voisin pour permettre l’intervention de l’entreprise. A défaut d’accord, le tribunal pourrait être saisi de la difficulté afin d’autoriser l’entreprise à intervenir sur le fonds voisin pour la réalisation des travaux à charge pour le demandeur de verser « une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner ».

Maître Nicolas GENDRE

Avocat au Barreau de Tours

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