Une dette peut aussi s’éteindre dans une succession
« En 1992, mon grand-père assigné au tribunal sa fille (ma mère) pour une dette de 7.000€ impayée. Il s’ensuivit une liquidation judiciaire, close pour insuffisance d’actif, quelque temps plus tard.
Dans son testament, mon grand-père avait demandé que cette dette soit déduite de son héritage au profit de son fils (mon oncle). Ma mère est décédée en 2016. Mon grand-père vient de décéder et le notaire chargé de la succession a déduit cette dette de notre part d’héritage à ma sœur et à moi !
Alors que notre notaire nous avait affirmé que cette dette était infondée parce que trente ans se sont écoulés, parce que la liquidation judiciaire avec insuffisance d’actifs a eu lieu, et parce que la débitrice est décédée.
Il y aurait semble-t-il prescription… »
Après le décès de votre mère, puis de votre grand-père, vous avez constaté, à la lecture du testament de ce dernier, qu’il avait souhaité déduire de votre part d’héritage la dette due par votre mère, au profit de votre oncle, son fils.
Le rapport des dettes à la succession est réglementé aux articles 864 et suivants du Code civil.
Il intéresse la composition de la masse partageable et constitue une opération préparatoire au partage. Une dette existante vient donc en déduction de la part qui vous est attribuée.
Lorsque le prêteur, votre grand-père est décédé, il convenait donc de déduire de la part de l’héritage le montant de la dette à rembourser, ce dont votre grand-père a tenu à s’assurer en précisant, dans son testament, que cette dette devait être déduite de la part d’héritage des héritiers de sa fille, au profit de son fils.
La Cour de Cassation rappelle que le rapport des dettes est soumis aux règles de droit commun de la preuve.
Il appartient à l’héritier qui demande le rapport d’une dette d’en prouver l’existence et au débiteur qui s’en prétend libéré de prouver son extinction
Dans votre cas, se pose la question du sort de la dette de votre mère, suite au décès successif de l’emprunteur puis du prêteur.
Votre oncle entend que la dette de votre mère soit rapportée, il doit donc en démontrer l’existence de la dette.
Le testament de votre grand-père constitue un commencement de preuve de la dette de votre mère à son égard.
Dès lors, il vous appartient pour échapper au rapport de la dette de démontrer que celle-ci est éteinte soit par un remboursement, soit par une autre cause.
Même si la dette n’a jamais été remboursée, elle est éteinte et ce, pour deux motifs.
L’article L742-22 du code de la consommation dispose que la clôture pour insuffisance d’actif entraîne l’effacement de toutes les dettes, professionnelles et non professionnelles, du débiteur, arrêtées à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de celles dont le montant a été payé en lieu et place du débiteur par la caution ou le co-obligé, personnes physiques.
« Soit il s’agit d’une dette payée par votre grand-père en qualité de caution de sa fille, ou encore d’une dette alimentaire, auquel cas elle n’est pas effacée par le jugement de liquidation ;
« Soit il s’agit d’une dette d’une autre nature, et elle a été effacée suite à la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif.
« Cette dette n’existant plus, votre grand-père ne pouvait donc en réalité pas préciser dans son testament qu’une déduction du montant de cette dette devait s’opérer au profit de son fils. »
La dette de votre mère a été éteinte à raison de la prescription. Votre grand-père ne pouvait pas réduire la part de votre héritage en prenant en compte l’ancienne dette de votre mère, cette dernière ayant été effacée, et ne pouvait donc pas réduire la part de la réserve héréditaire revenant à votre mère, et par ricochet, à votre sœur et à vous.
« Pour autant, s’il souhaitait avantager son fils, il pouvait parfaitement lui attribuer, en plus de la part lui revenant au titre de la réserve héréditaire, toute ou partie de la quotité disponible. Ce qu’il n’a manifestement pas fait.
« Dès lors, le partage entre votre oncle d’un côté et votre sœur et vous de l’autre côté, doit être strictement égalitaire.
« Il faut donc exposer au notaire chargé de la succession que la dette de votre mère était éteinte à raison du jugement de liquidation judiciaire et de la prescription, en vous faisant assister par votre notaire, qui a eu la bonne analyse de la situation. »
Avocat au Barreau de Tours