« Depuis plus de trente ans, je possède un cabanon sur une zone inondable, et terrain agricole. Même s’il dispose de l’eau et l’électricité, il est interdit à la location. Dans ces conditions, suis-je obligé de payer la taxe d’habitation ? Comment le déclarer si je veux le vendre ? Quelle existence légale lui donner ? »

Sur le plan urbanistique

Tout d’abord, l’ancienneté du cabanon fait obstacle à l’exercice de toutes actions par le Ministère public, la commune (ou l’intercommunalité compétente) ou les tiers.

En effet : L’action publique tendant à sanctionner le délit constitué par la construction irrégulière d’un bâtiment se prescrit à l’échéance d’un délai de six ans à compter du jour où l’infraction est commise, ceci conformément aux dispositions de l’article 8 du code de procédure pénale. 2°) L’action civile dont dispose la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en la matière pour saisir le tribunal judiciaire se prescrit à l’échéance d’un délai de dix ans à compter de l’achèvement des travaux concernés, ceci en application de l’article L.480-14 du code de l’urbanisme. 3°) L’action susceptible d’être exercée par les tiers sur le fondement de l’article 1240 du code civil se prescrit à l’échéance d’un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Sous réserve d’une interruption ou d’une suspension, ces actions sont prescrites. De la sorte, aucune déclaration n’est requise pour le vendre sauf à informer expressément l’acquéreur de ces considérations.

Cela ne vous dispense pour autant de chercher à régulariser juridiquement cette construction si elle était soumise à une formalité à l’époque (déclaration préalable ou permis de construire), ou encore si vous ou votre acquéreur envisagent de réaliser des travaux dessus.

Sous réserve de leur conformité aux dispositions d’urbanisme qui sont aujourd’hui en vigueur, une autorisation d’urbanisme pour la réalisation de nouveaux travaux portant sur ce cabanon peut être obtenue sans que l’irrégularité de ce dernier ne puisse y faire obstacle.

L’article L.421-9 du code de l’urbanisme fixe en effet un délai de dix ans à compter de l’achèvement des constructions irrégulières au-delà duquel l’autorité compétente ne peut plus fonder sur cette seule irrégularité un refus opposé à une demande d’autorisation d’urbanisme.

Ce délai de dix ans étant aujourd’hui prescrit s’agissant de votre cabanon, ces dispositions ont vocation à s’appliquer.

Néanmoins, les constructions irrégulières qui auraient dû faire l’objet d’un permis de construire sont explicitement exclues du champ d’application de ces dispositions.

Ainsi, dans l’hypothèse où la construction du cabanon relevait du régime du permis de construire, la réalisation de tous nouveaux travaux impliquera, outre leur autorisation, la régularisation de l’existant.

En synthèse : compte tenu de ce qui précède, aucune déclaration ou régularisation du cabanon n’est nécessaire avant de procéder à sa vente, ceci compte tenu de son ancienneté et de la prescription des différents recours judiciaires qui étaient susceptibles d’être exercés pour faire sanctionner cette irrégularité.

Également, des travaux sur ce cabanon pourront être réalisés sans que cette irrégularité n’y fasse obstacle, sauf dans le cas où un permis de construire était nécessaire pour sa construction. Dans ce cas il sera indispensable de régulariser la construction dans son ensemble.

Sur le plan fiscal

Toute construction, régulière ou non, est soumise au paiement de ou des taxes exigibles en matière d’urbanisme.

S’agissant des taxes exigibles avant la réforme de 2012, celles-ci étaient dans leur ensemble assises et recouvrées selon les modalités fixées par l’article L.274 A du livre des procédures fiscales, lequel prévoit que l’action en recouvrement de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la quatrième année suivant le fait générateur desdites taxes.

Néanmoins, s’agissant de constructions réalisées sans autorisation d’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que le fait générateur à compter duquel l’administration fiscale est susceptible de procéder aux recouvrements des taxes exigibles est constitué par l’achèvement desdits travaux (Conseil d’Etat, 23 juin 1986, n° 60250, publié au Lebon).

Votre cabanon ayant été construit il y a plus de trente ans, le délai dans lequel l’administration pouvait procéder aux recouvrements des taxes d’urbanisme exigibles est aujourd’hui prescrit. Aucune déclaration n’est donc nécessaire à ce titre.

S’agissant de la taxe d’habitation celle-ci n’est exigible que pour les seuls locaux visés par le I de l’article 1407 du code général des impôts, c’est-à-dire « les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale »

Si le cabanon dispose de l’eau et de l’électricité, il n’apparait pas pour autant que celui-ci constitue, de ce seul chef, un local soumis à la taxe d’habitation.

En synthèse : l’irrégularité urbanistique de la construction n’empêche pas l’administration fiscale de recouvrir un ou plusieurs taxes, sous réserve des différentes prescriptions.

Maître Nicolas FORTAT, avocat du Barreau de Tours