Un lecteur adresse la situation suivante :

Je suis propriétaire d’une maison individuelle avec une partie troglodyte, non attenante à la maison, celle-ci sert de dépendance, dans la cour. Le terrain au-dessus est à nous, mais une partie non, à un autre propriétaire qui n’a jamais en 15 ans, entretenu ni terrain ni coteau. En prolongement du coteau, en dessous ; cela donne sur le toit d’une grange ne nous appartenant pas, (3ème propriétaire). Personne ne peut me dire si l’entretien et la responsabilité du coteau appartiennent au propriétaire du terrain au-dessus, ou à celui de la grange où est adossée la grange. Le souci est que les pierres, elles, tombent chez moi.

La problématique évoquée concerne un terrain et un coteau situés en surplomb des dépendances de votre habitation , et dont le défaut d’entretien entraine des chutes de pierres sur le fond situé en dessous.

Il convient au préalable de s’interroger sur l’identification du ou des propriétaires du terrain situé au dessus du coteau litigieux (I)

Nous identifierons , dans un second temps les responsabilités encourues (II)

S’agissant de l’identification du propriétaire  du coteau et du terrain  :

D’après les éléments en notre possession il semble que vous êtes propriétaire  d’une maison individuelle avec une partie troglodyte et des dépendances situés dans une cour au bas d’un coteau surplombé  d’un terrain qui vous appartient en partie et  qui appartient pour le surplus à un autre propriétaire.

Le coteau surplombe non seulement votre terrain et votre dépendance mais également une grange qui appartient à un troisième  protagoniste.

En DROIT :

  L’article 552 du Code civil  prévoit que : « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre « Des servitudes ou services fonciers ».

Il peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police ».

Au regard de ces dispositions textuelles il est fondamental, avant toutes choses d’identifier la propriété du sol du terrain surplombant le coteau et les dépendances situées en dessous et donc de définir l’objet de la propriété verticale :

  1. La propriété du dessus

En application de l’article 552, al. 1er du Code civil, la propriété du sol emporte donc la propriété du « dessus ».

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « dessus » ou surfonds. En première intention, le terme employé par le texte suggère que l’assiette du droit de propriété s’étend à tout ce qui surplombe le sol et plus précisément à tout ce qui se dresse sur la ligne d’aplomb.

Quant à la limite supérieure de la propriété du surfonds, elle se déduit de l’alinéa 2 de l’article 522 du Code civil.

Cette disposition prévoit, en effet, que « le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre ” Des servitudes ou services fonciers ” »

Il s’infère de ce texte que la propriété du dessus comporte deux aspects : l’un positif et l’autre négatif.

  • Positivement
    • Il faut comprendre l’article 552 du Code civil, non pas comme conférant au propriétaire du sol un droit de propriété sur le dessus qui s’étendrait à l’infini dans le ciel et l’espace, mais plutôt comme lui conférant le droit d’occuper le volume prenant assise sur son terrain en y élevant des plantations et des constructions.
    • Cette disposition autorise, autrement dit, le propriétaire à utiliser l’espace situé au-dessus de son fonds pour planter où bâtir. Ce dernier sera, par voie de conséquence, réputé acquérir toutes les constructions et plantations faites sur son terrain.
  • Négativement
    • Le propriétaire du sol peut interdire autrui d’élever une plantation ou une construction qui empiéterait sur son terrain ou qui s’étendrait au-dessus de sa parcelle, quand bien même cet empiétement serait insignifiant et ne lui causerait aucun préjudice.
    • À cet égard, en application de l’article 673 du Code civil il peut contraindre le propriétaire du fonds voisin à couper les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux qui s’avancent au-delà de la ligne séparative.
    • La jurisprudence a également admis que le propriétaire pouvait s’opposer à l’installation de câbles aériens qui seraient suspendus au-dessus de son terrain ( req. 6 mars 1934).

Au bilan, la propriété du sol confère au propriétaire, tout autant le droit de planter et de bâtir sur son terrain que le droit d’interdire l’élévation de toute chose qui aurait une emprise sur un fonds voisin et qui s’étendrait au-dessus de sa parcelle.

Ce droit octroyé au propriétaire du sol sur le dessus n’est toutefois pas sans limite, ainsi que le précise l’article 552, al. 2e in fine du Code civil ainsi que les lois particulières qui régissent l’exploitation de l’espace aérien et qui intéressent plus généralement l’intérêt général.

==> Limites

Si le propriétaire du sol est propriétaire du dessus et plus précisément de toutes les plantations et constructions qui sont élevées sur son terrain, ce droit de propriété qui lui est conféré n’est pas sans limites :

  • L’utilisation de l’espace urbain (affectation des sols ; destination, implantation, volume, aspect extérieur et desserte des constructions).
  • D’autres dispositions peuvent encore imposer l’observation de règles destinées à assurer l’hygiène et la sécurité des bâtiments ainsi que leur accessibilité.

2. La propriété du dessous

Pour mémoire, l’article 552, al. 1er du Code civil prévoit que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. »

Que doit-on entendre par-dessous, appelé encore tréfonds ? Le texte ne le dit pas. Toutefois, parce que la terre est ronde, à la différence du surfonds, le tréfonds correspond nécessairement à un volume fini dont la limite est située au niveau du noyau terrestre.plus précisément, il s’agit d’un volume conique qui s’étend de la surface du fonds au centre de la terre délimité par des lignes convergentes.

Les limites de la propriété du dessous sont ainsi bien plus marquées que celles qui définissent la propriété du dessus.

À cet égard, l’alinéa 3 de l’article 552 du Code civil précise que le propriétaire du sol « peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. »

Comme pour le surfonds, la propriété du tréfonds comporte un aspect positif et un aspect négatif.

  • Positivement
    • Tout d’abord, le droit du propriétaire d’un fonds comprend tous les éléments qui composent et constituent le sous-sol.
    • Aussi, ce droit s’étend à toutes les cavités, sources, minerais, gisements et plus généralement à tout ce qui s’y trouve incorporé.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 29 février 1984 que lorsque des parcelles forment deux sols distincts situés à des niveaux différents et séparés par une falaise infranchissable, une source dont le point d’émergence est situé à l’intérieur du surplomb de la falaise, donc nécessairement sous la parcelle dont elle dépend appartient au fonds inférieur et ne peut se rattacher au sous-sol du fonds supérieur ( 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10040).
    • Ensuite, le droit de propriété du sol autorise le propriétaire à réaliser « toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir».
    • Il est ainsi permis à ce dernier d’occuper le sous-sol en édifiant des constructions et à acquérir la propriété de toutes les choses qu’il découvrirait dans le cadre de fouilles.
    • À cet égard, le droit du propriétaire de fouiller son sous-sol est entier.
  • Négativement
    • Le propriétaire du sol peut s’opposer à toutes les atteintes portées par les tiers à son sous-sol, ce sans qu’il lui soit besoin de justifier d’un quelconque préjudice.
    • Dès lors que le propriétaire constate un empiétement sur sa propriété, aussi minime soit-il, il peut demander la démolition de l’ouvrage qui déborde sur son fonds.
    • Dans un arrêt du 8 novembre 1978, la Cour de cassation a, par exemple, admis que le propriétaire d’un terrain était fondé à solliciter la démolition de la construction élevée sur le fonds voisin, avoir relevé que cette construction était implantée sur la limite séparant la parcelle du fonds contigu et que les fondations de ce pavillon dépassaient cette limite et constituaient ainsi une emprise sur la propriété voisine ( 3e civ. 8 nov. 1978, n°77-13563).
    • Lorsqu’il s’agit de racines, ronces ou brindilles qui avancent sur un fonds voisin, l’article 673 du Code civil autorise le propriétaire de ce fonds à « les couper lui-même à la limite de la ligne séparative».
    • Dans le même sens, le propriétaire est également en droit de demander la suppression câbles et canalisations souterraines qui traverseraient son fonds et qui auraient été posées sans son autorisation.

Le droit du propriétaire du sol sur le tréfonds n’est pans sans limites, ainsi que le précise le dernier alinéa de l’article 552 du Code civil.

Si, en effet, cette disposition autorise le propriétaire du tréfonds à s’approprier tous les produits qu’il est susceptible de trouver dans le cadre de fouilles, c’est sous des « modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. »

Les règles énoncées à l’article 552 du Code civil qui visent à délimiter la propriété immobilière verticale ne bénéficient qu’au seul propriétaire du sol.

L’attribution de la propriété du dessus et du dessous à ce dernier n’est toutefois qu’une présomption réfragable, soit qui peut être renversée par la preuve contraire.

Dans un arrêt du 26 mai 1992 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la présomption de propriété du dessous au profit du propriétaire du sol n’est susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre ou de la prescription » (Cass. 26 mai 1992, n°90-22145).

Aussi, est-il admis qu’une partie du tréfonds ou du surfonds puisse faire l’objet d’une acquisition particulière et, soit, par conséquent, détachée de la propriété du sol (V. en ce sens Cass. civ. 14 nov. 1888).

Il est ainsi parfaitement possible de revendiquer la propriété d’une cave située dans le tréfonds d’une parcelle dont on n’est pas propriétaire. (Cass. 3e civ. 13 mai 2015, n°13-27342 et 14-15678).

La présomption de propriété dont bénéficie le propriétaire du sol s’applique tout autant aux éléments qui composent le dessous que ceux qui s’élèvent sur le dessus.

C’est la raison pour laquelle il est également admis qu’un tiers puisse être propriétaire d’une construction implantée sur le terrain d’un autre propriétaire (Cass. 3e civ. 7 oct. 1998, n°96-18748).

La présomption instituée à la faveur du propriétaire du sol, si elle est réfragable, n’est pas une présomption simple.

La Cour de cassation l’a rappelé dans son arrêt du 13 mai 2015 en affirmant que « la présomption de propriété du dessous au profit des demandeurs, propriétaires du sol n’était susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre, quel qu’en soit le titulaire, ou de la prescription acquisitive » (Cass. 3e civ. 13 mai 2015, n°13-27342 et 14-15678).

Si L’article 552 vise à définir l’objet de la propriété immobilière en présument le propriétaire du sol, propriétaire du dessus et du dessous , L’article 553 vise, quant à lui, non pas à délimiter l’objet de la propriété immobilière, mais à prévenir la survenance d’un conflit entre propriétaires résultant de l’incorporation à un fonds d’un bien appartenant à autrui.

La combinaison de ces deux dispositions a manifestement pour effet de conférer au propriétaire du sol une maîtrise totale de l’immeuble en ce que non seulement il est présumé être propriétaire du dessus et du dessous mais encore il est réputé avoir édifié tout ce qui est implanté sur son fonds.

S’agissant, spécifiquement, de l’article 553 du Code civil, cette disposition envisage l’hypothèse où la propriété d’un bien incorporé dans le sous-sol ou élevé en surface serait contestée au propriétaire du sol.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Soit le propriétaire du sol a réalisé un ouvrage en incorporant à son fonds les biens d’autrui
  • Soit un tiers a réalisé un ouvrage incorporé au fonds du propriétaire du sol parce qu’il en avait

La règle énoncée à l’article 553 du Code civil institue ainsi  une présomption à double détente :

  • Première détente: toutes les constructions élevées sur un fonds sont présumées avoir été réalisées par le propriétaire de ce fonds à ses frais.
  • Seconde détente: faute de preuve contraire, l’ouvrage implanté sur le fonds est réputé appartenir au propriétaire du sol.

Il peut être observé que le texte ne rattache nullement ici la propriété de la construction à la qualité de propriétaire du sol, ce qui reviendrait à faire application de la règle de l’accession.

Il se limite seulement à énoncer que l’incorporation d’un ouvrage à un fonds fait présumer que cet ouvrage a été réalisé par le propriétaire du sol.

EN l’ESPECE :

Dans la mesure où vous êtes propriétaire non seulement de la dépendance située au pied du coteau mais également d’une partie du terrain situé au dessus , il vous incombe une obligation d’entretien du terrain vous appartenant et du coteau situé à l’aplomb de votre propriété

S’agissant des responsabilités encourues  :

EN DROIT :

Article 1384 du Code Civil: « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

Article 640-641 du Code Civil : « chacun est responsable de la maîtrise des eaux sur sa parcelle. ».

Article 1383 du Code Civil : « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence ».

Peuvent également  être applicables , selon les cas , les dispositions des  articles 1382, 1641, 1792 du Code Civil, mais aussi l’article 563-6 du Code de l’Environnement.

 EN l’ESPECE :

Dans le cas de propriétés superposées ou accolées, il revient :

  • Au propriétaire du fond supérieur, d’entretenir et de sécuriser la partie du coteau lui appartenant.
  • Au propriétaire du tréfonds, d’effectuer des travaux de confortement nécessaires à la stabilité du dessus.

En conséquence et au regard des éléments décrits, votre responsabilité pourrait être engagée conjointement avec celle du propriétaire du terrain contigu au vôtre et situés au- dessus du coteau dont proviennent les chutes de pierre .

Compte tenu de l’imbrication des propriétés verticales et horizontales en l’occurrence, notre préconisation est de recourir à un géomètre expert qui convoquera les différentes parties en présence pour un bornage contradictoire de façon à identifier avec précision les limites de propriété (verticalement et horizontalement) et subséquemment les responsabilités encourues et l’imputation de l’obligation d’entretien du coteau.

Nous espérons que ces éléments de réponse vous seront utiles et vous permettront de mettre en place les mesures propres à la solution de votre problématique.

Maître Corinne BAYLAC, avocate au Barreau de Tours.

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