« Jusqu’à présent l’accès à la copropriété – plus de 90 logements, un cabinet médical regroupant cinq médecins, un cabinet paramédical rassemblant trois kinésithérapeutes et deux infirmières et qui dispose d’un grand parking arboré – se faisait par des barrières télécommandées pour les véhicules, et par trois passages piétons ouverts jour et nuit.
La dernière Assemblée Générale a voté à une courte majorité, le remplacement des barrières du parking par la pose d’un portail battant à l’entrée et un portail coulissant à la sortie.
Le coût des travaux ainsi que les frais, honoraires (hors syndic), assurance, d’un montant total de 36 234 Euros TTC seront répartis selon les millièmes aux lots concernés par la dépense, soit la clé de répartition des charges PARTS EGALES PARKING CLE 31 . »
Et de fait les votes se sont fait sur la base du nombre de places de parking possédées, soit 64 tantièmes. Ainsi les propriétaires d’un logement ne possédant pas de parking sont touchés, bon gré mal gré par la décision.
Or une lecture attentive du devis retenu fait apparaître que non seulement les barrières existantes seront remplacées, mais que les passages piétons actuels seront fermés par des portillons dont l’ouverture sera actionnée soit par des télécommandes, soit par les occupants des logements avisés de la présence des visiteurs par une borne d’appel.
Ainsi c’est par le biais des devis que les copropriétaires ont pu prendre connaissance de ces nouvelles dispositions, plus restrictives et contraignantes que les précédentes, alors que les portes d’entrées de l’immeuble d’habitation sont déjà interdites d’accès aux personnes ne disposant pas d’un digicode.
Le syndic peut-il sur la base d’une délibération aussi incomplète faire procéder à la mise en place de ces portillons et à la suppression des accès piétons actuels ? »
* * *
Ce cas particulier soulève en réalité au moins deux problèmes juridiques.
La première question qui se pose, est celle qui consiste à savoir si les prestations mentionnées dans le devis, mais non précisées dans le projet de résolution, sont valides.
La seconde question porte sur les règles de majorité applicables pour cette fermeture d’un immeuble en copropriété.
Enfin, il pourra également être évoqué et rappelé le délai de recours des copropriétaires qui souhaitent contester cette décision.
I – Est-il possible de voter des décisions non inscrites à l’ordre du jour ?
1. Il nous est indiqué que l’Assemblée Générale litigieuse a voté « le remplacement des barrières du parking par la pose d’un portail battant à l’entrée, et un portail coulissant à la sortie », et qu’une lecture attentive du devis retenu fait apparaître, que non seulement les barrières existantes seront remplacées, mais qu’en outre les passages piétons actuels seront fermés par des portillons dont l’ouverture sera actionnée par des télécommandes ou par une borne d’appel.
Il semble dès lors qu’il y ait une discordance flagrante entre d’une part, les termes de la résolution soumise aux débats lors de l’Assemblée Générale, qui ne portaient que sur des remplacements de barrières du parking et la pose d’un portail, et d’autre part, les prestations devisées, qui portent également sur l’installation de portillons sur les passages piétons avec une ouverture limitée.
Les dispositions de la Loi du 10 juillet 1965, et du décret du 17 mars 1967 sont claires en la matière, puisque ledit Décret prévoit en son article 13 :
« L’Assemblée Générale ne prend de décision valide que sur les questions inscrites à l’ordre du jour… »
Dès lors, si le devis n’a pas été adressé aux copropriétaires avant l’Assemblée Générale, et que ces derniers n’ont été renseignés que par les termes du projet de résolution inscrits à l’ordre du jour, les travaux mentionnés dans le devis, et portant sur la limitation de l’accès des piétons, ne sont pas valides.
2. La décision est différente, si le devis en question a été joint au projet d’ordre du jour, avant l’Assemblée Générale, et a donc été validé par les copropriétaires.
Sur ce point, il doit être rappelé que l’article 11 du Décret précité prévoit que :
« Sont notifiés au plus tard en même temps que l’ordre du jour :
…
3°) Les conditions essentielles du contrat… »
La notification du devis est donc suffisante.
3. Il convient néanmoins de préciser, qu’en principe, chaque résolution soumise à l’Assemblée Générale des Copropriétaires ne peut avoir qu’un seul objet.
Il peut être voté dans une même résolution deux questions distinctes (Cass. Civile 3ème 11 mars 1998, n°96-12.479).
Or, en la circonstance, il s’agit bien de deux décisions distinctes.
Cela étant, la Jurisprudence admet qu’il peut être dérogé à cette règle lorsque les deux questions présentent un caractère indissociable, c’est-à-dire un lien de dépendance entre les deux.
Tel était par exemple le cas d’une décision d’Assemblée Générale qui a voté concomitamment, d’une part la suppression des jardinières des balcons, et d’autre part l’extension des balcons ou des loggias (Cass. Civile 3ème 9 juillet 2020, n°19-18.623).
4. Il résulte de ce qui précède que si le devis litigieux a été adressé aux copropriétaires au plus tard en même temps que l’ordre du jour, il sera difficile de contester cette résolution, au prétexte qu’il n’est pas fait mention précisément de la suppression des accès piétonniers.
II – Quelle majorité pour ce genre de résolution ?
5. En la matière, les règles de majorité pour ce type de décision, fixant les modalités d’ouverture des portes d’accès aux immeubles, ont changé depuis l’Ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019, portant réforme du droit de la Copropriété des immeubles bâtis, en vigueur depuis le 1er juin 2020.
En effet, avant cette Ordonnance, les modalités d’ouverture des portes d’accès aux immeubles relevaient des dispositions de l’article 26 c de la Loi du 10 juillet 1965, et devaient dès lors être adoptées à la double majorité prévue par cet article, à savoir, la majorité des membres du Syndicat représentant au moins les 2/3 des voix.
L’Ordonnance de 2019 a abrogé cette disposition, et désormais, selon l’article 25 g de la Loi du 10 juillet 1965, les modalités d’ouverture des portes d’accès aux immeubles sont soumis à la majorité simple des voix de tous les copropriétaires.
C’est donc bien cette majorité de l’article 25 qui est applicable pour les résolutions adoptées depuis le 1er juin 2020.
6. Cela étant, il semble ressortir de la question posée, que seuls les copropriétaires, propriétaires d’un lot dépendant du parking, ont voté la délibération contestée.
En effet, conformément aux dispositions de l’article 6-2 de la Loi du 10 juillet 1965, il est parfaitement possible que les décisions afférentes aux seules parties communes spéciales, soient prises par les seuls copropriétaires concernés, c’est à dire ceux disposant de lot de parking.
Les autres copropriétaires n’ont pas à participer à ce vote.
7. Pourtant, force est d’admettre que la délibération litigieuse ne porte pas uniquement sur les modalités d’utilisation de la partie commune spéciale que constitue le parking, mais concerne également l’ensemble des copropriétaires détenant des logements, dès lors que les passages piétons seront fermés pour tous.
Dans ces conditions, il me semble que l’adoption de ce devis réglementant l’accès piétonnier à la copropriété, aurait dû être adoptée par l’Assemblée Générale de tous les copropriétaires, à la majorité définie par l’article 25.
Pour cette raison, cette délibération est très contestable.
III – Sur les modalités pour contester la délibération adoptée
8. Il convient juste ici de rappeler que le ou les copropriétaires légitimement insatisfaits par cette décision ne peuvent agir en nullité que dans le délai de deux mois qui suit la notification du procès-verbal de l’Assemblée Générale.
La Cour de Cassation a une appréciation très restrictive de ce délai, afin d’assurer la sécurité juridique des décisions, même en cas d’incompétence de l’Assemblée (Cass. Civile 3ème 12 janvier 2022, n°20-20.363).
9. Dès lors, si ce délai est expiré, la seule solution pour le copropriétaire lésé, serait de demander que soit fixé à l’Ordre du jour de la prochaine Assemblée Générale des Copropriétaires un projet de nouvelle résolution concernant les modalités d’accès piétonnier, qui serait bien évidemment soumis à l’ensemble des copropriétaires concernés.
Maître Stanislas de LA RUFFIE, avocat au Barreau de Tours