Réinscription au lycée : une décision entre orientation et affectation
Rappel de la question :
« Mon fils de 17 ans est en seconde dans un lycée public. J’ai été convoquée par le proviseur, qui m’a dit qu’il ne pourra pas le réinscrire dans l’établissement pour la prochaine année scolaire, car il a des résultats faibles, il a eu un blâme au 2eme trimestre. Mon fils veut absolument rester dans ce lycée pour faire sa première STD. Ont-ils le droit de refuser mon enfant dans leur établissement ? Sur quelles bases peuvent-ils choisir les élèves ? »
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Madame, Monsieur,
Les questions ci-dessus rappelées et soumises à mon appréciation appellent de ma part les réponses suivantes.
1.
De manière générale et en tout préalable, il faut rappeler que l’inscription d’un élève dans un établissement procède d’un mécanisme à double détente faisant appel, d’abord, à l’ « orientation » et, ensuite, à l’ « affectation ».
1.1
Pour ce qui concerne les élèves de Lycée en seconde (dénommé « cycle de détermination » selon le code de l’éducation), l’orientation à l’issue de cette année aboutit à déterminer la formation suivie entre la voie générale et la voie technologique, et correspond à l’entrée dans le « cycle terminal » s’achevant par le bac.
La décision prise à l’issue de l’année de seconde dépend, bien entendu, du choix de la famille ou de l’élève s’il est majeur (Article L.331-8 du code de l’éducation), mais encore de la proposition du conseil de classe.
Le chef d’établissement est tenu par la concordance entre les deux. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque le choix d’orientation ne concorde pas avec la proposition du conseil de classe, s’ouvre une phase de concertation avec le chef de l’établissement avec la possibilité de contester, en appel puis devant le juge administratif, sa décision. Dans ce cadre, le redoublement dans la classe d’origine peut alors constituer une possibilité en cas de désaccord persistant (articles D.331-35 et D.331-37 du code de l’éducation).
1.2
L’affectation, quant à elle, vient ensuite et selon la décision d’orientation.
Elle relève de la compétence de l’autorité académique en fonction de la décision d’orientation, d’une part, et de la formation alors choisie, d’autre part (article D.331-38 du code de l’éducation), ceci sur fond de carte scolaire (article D.211-11 du code de l’éducation).
Entendez par là que si la voie d’orientation retenue est proposée dans l’établissement desservant l’adresse du domicile de l’élève, son affectation dans cet établissement est acquise. Dans le cas contraire, l’affectation devra se faire alors dans un autre établissement en fonction des formations disponibles mais encore de ses capacités d’accueil.
2.
Ces mécanismes ainsi rappelés, je crois comprendre que vos interrogations procèdent d’une décision du chef d’établissement, à savoir le proviseur, qui relèverait, vraisemblablement, du domaine de l’affectation plutôt que de l’orientation : il refuserait, en effet, l’inscription de votre fils dans son établissement ceci alors qu’il propose une voie d’orientation conforme au choix de votre fils.
2.1
Ainsi que précisé ci-dessus, l’affectation relève de la compétence académique et pas de celle du chef d’établissement. En revanche, le chef d’établissement peut exercer une influence sur l’orientation choisie parmi les différentes formations dispensées dans son établissement dans l’hypothèse d’un désaccord entre le choix d’orientation réalisé et la proposition du conseil de classe.
En ce cas, la décision du chef de l’établissement doit intervenir à l’issue d’une concertation et peut faire l’objet d’un recours dans un délai de 3 jours ouvrables auprès de la commission d’appel. La commission d’appel statuera alors de manière définitive sur l’orientation et, en cas de décision non satisfaisante, il faudra envisager, soit la saisine du juge administratif, soit un redoublement.
2.2
La situation serait, toutefois, différente si l’établissement en question n’est pas celui desservant l’adresse du domicile de votre fils. En pareille hypothèse, l’autorité académique prononce une affectation qui dépend, d’abord, de la décision d’orientation mais encore et, ensuite, des capacités d’accueil de l’établissement délivrant cette formation de telle sorte que l’inscription de votre fils dans son établissement d’origine pourrait, en ce cas, ne pas être acquise. Pour autant, cette décision ne sera pas celle du chef de l’établissement mais celle de l’autorité académique et elle pourra faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif en cas de désaccord.
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Arrivé à ce stade, la question des capacités de votre fils relève, avant tout, du domaine de l’orientation selon la proposition du conseil de classe, tandis que la question de son inscription dans tel ou tel établissement relève de la compétence de l’autorité académique suivant la carte scolaire.
Suivant les éléments soumis à mon appréciation, il en résulte que la circonstance suivant laquelle votre fils ait obtenu des résultats médiocres ne constitue pas, en soi, un motif permettant à un chef d’établissement de refuser son inscription dans l’établissement d’origine lorsqu’il s’agit de celui desservant l’adresse de son domicile. En cas de proposition discordante du conseil de classe, il est même possible de solliciter un redoublement dans cet établissement d’origine.
De la même façon et sauf alors à dissimuler une décision disciplinaire d’exclusion de l’établissement qui n’en porte ni le nom, ni la forme, il faut savoir que les faits sanctionnés par un blâme ne peuvent pas davantage fonder un tel refus d’inscription de la part du chef d’établissement. Il n’est pas admis, en effet, que des mêmes faits puissent faire l’objet de deux sanctions distinctes d’un degré, au surplus, bien différent (cf. article R. 511-13 du code de l’éducation).
Par suite, rien ne me semble pouvoir, en l’état, justifier une décision du chef de l’établissement refusant l’inscription de votre fils dans son établissement. En cas de difficulté, une telle décision de refus, qu’elle émane du chef d’établissement ou encore de l’autorité académique, peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative, le cas échéant doublé d’une demande tendant, en urgence, à en suspendre ses effets dans l’attente d’un jugement.
Maître Nicolas FORTAT
Avocat au Barreau de TOURS