De la nue-propriété ou de l’usufruit découlent des droits différents sur un même bien, notamment en ce qui concerne les travaux de réparations.
La compagne de Monsieur Matthieu C. occupe, avec son fils âgé de seize ans, une maison laissée par le père de cet enfant à son décès.
Des travaux doivent être réalisés sur l’installation de chauffage de la maison dont le coût est estimé à 10.000 €, et qui pourraient être financés au moyen de fonds que l’enfant a reçu de la succession de sa grand-mère.
Le Juge n’a pas autorisé cette opération et Monsieur C. s’interroge sur les possibilités de révision de cette décision, estimant qu’il n’appartient pas à la mère de supporter cette charge, s’agissant en outre d’une dépense nécessaire en raison des conditions de vie dans la maison.
Monsieur Matthieu C. évoque une décision du « juge pour enfants ».
Il s’agit plus exactement du Juge des Tutelles dont l’intervention en matière d’administration des biens d’un mineur est prévue par les articles 387 à 387-6 du Code Civil.
Le ou les parents investis de l’autorité parentale à l’égard de leur enfant mineur ont également la charge de l’administration des biens de cet enfant. On parle ainsi d’administration légale. A ce titre, le ou les parents disposent également du droit de jouir des biens de leur enfant mineur, à condition de ne pas en altérer la substance, de ne pas diminuer substantiellement le patrimoine de l’enfant.
Ce droit de jouissance cesse lorsque l’enfant a seize ans révolus.
Ces deux circonstances (diminution du patrimoine et âge de l’enfant) justifient que la mère ne puisse librement financer les travaux de remplacement du chauffage avec les fonds que l’enfant a reçu en héritage de sa grand-mère.
De plus, la loi prévoit que le Juge des Tutelles peut, dans certains cas, décider qu’un acte ou une série d’actes de disposition des biens de l’enfant seront soumis à son autorisation préalable.
Les décisions du Juge des Tutelles, si elles ne donnent pas satisfaction, peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour d’Appel. Et c’est cette « action judiciaire » que Monsieur Matthieu C. pourrait proposer à sa compagne pour contester le refus du Juge des Tutelles.
Encore faut-il être certain que ce recours ne repose pas sur une analyse inexacte de la situation.
Monsieur Matthieu C. estime en effet que « ce n’est pas à la mère de payer ».
Il précise cependant que cette mère est usufruitière de l’immeuble, ce qui laisse supposer qu’elle était l’épouse du défunt et qu’au titre de l’option prévue à l’article 757 du Code Civil, elle aura fait le choix de recevoir l’usufruit de la totalité des biens laissés par l’époux prédécédé.
L’enfant n’a donc pas « hérité la maison de son père décédé » comme présenté par Monsieur Matthieu C. : il ne dispose que de la nue-propriété de cet immeuble.
La nuance n’est pas sans incidence car elle détermine les obligations de chacun à l’égard de la maison, sur laquelle le nu-propriétaire et l’usufruitière ont tous les deux des droits, et explique la décision incomprise du Juge des Tutelles.
L’article 605 du Code Civil stipule que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien.
Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ».
L’article 606 du Code Civil donne une liste considérée comme limitative de ce que sont les grosses réparations : « les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.
Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.
Toutes les autres réparations sont d’entretien ».
En application de ce texte, il a par exemple été jugé par la Cour de Cassation le 10 février 1999 que des travaux ayant consisté à remplacer le dispositif de climatisation d’un immeuble ne constituent pas des grosses réparations au sens de l’article 606 du Code Civil.
Le remplacement du chauffage d’un immeuble n’entre pas dans la liste des grosses réparations définies à l’article 606 du Code Civil. Il s’agit par conséquent de travaux d’entretien dont la charge incombe à l’usufruitière.
Ceci explique certainement que le Juge des Tutelles n’autorise pas l’imputation de cette dépense sur les fonds que le mineur a reçu en héritage.
Plutôt qu’une action judiciaire à entreprendre, un règlement concerté de la difficulté avec le Juge des Tutelles apparaît mieux indiqué, l’accent devant être porté sur l’intérêt du mineur à la réalisation de ces travaux et sur l’impossibilité pour la mère à en assumer la charge seule.
Maître Roger MABOUANA, Avocat au Barreau de Tours