« Dans un bus parisien, le chauffeur m’a intimé de plier ma trottinette électrique, car il ne voulait pas être responsable de blessures aux autres passagers. Ma responsabilité civile n’est-elle pas suffisante pour me protéger et tenir ma trottinette, sans la plier forcément? A quelles conditions générales de service et quelles lois se référer? »
Préalablement, il convient de rappeler qu’en matière de dommage corporel ou matériel causé dans un véhicule de transport en commun, la loi dite BADINTER du 5 juillet 1985 sur les accidents de circulation a vocation à s’appliquer.
En ce sens, la loi pré-citée ne s’applique pas uniquement dans le cadre d’accidents de la circulation au sens commun mais très largement à toutes situations occasionnant un dommage (matériel ou physique) dans lesquelles est impliqué un véhicule, en circulation ou à l’arrêt, avec ou sans contact direct avec un autre véhicule.
A ce titre, l’article 1er de la loi BADINTER rappelle que ses dispositions s’appliquent « même lorsque les personnes sont transportées en vertu d’un contrat ».
Elles s’appliquent donc également aux passagers d’un transport en commun.
Il résulte de l’application des dispositions de cette loi que le conducteur du bus sera responsable de tout dommage corporel causé aux autres passagers pendant le trajet, mais également à la montée ou à la descente du bus – étant qualifiés de victimes non conductrices (notamment jurisprudence : Civ.2, 7 juin 1989, n°87-19.459) : sauf à ce que la victime du dommage corporel, personne non handicapée et âgée entre 16 et 70 ans, ait commis une faute inexcusable, c’est-à-dire une faute cause exclusive de son dommage ou une faute intentionnelle.
Il faut préciser que la faute inexcusable et la faute intentionnelle sont très rarement retenues par les Juridictions afin notamment de favoriser une indemnisation des victimes, sens de la loi dite Badinter.
Par exemple, il a été décidé que le transporteur est responsable du dommage causé à un passager du bus par un autre passager dans le cadre d’une agression physique.
De surcroît, même si la notion d’accident de la circulation n’est pas retenue à l’incident survenu – ce qui est extrêmement rare -, le transporteur est responsable du dommage causé à un passager du bus en application de son obligation de sécurité de résultat résultant du contrat de transport (conclu par l’achat du titre de transport) – Civ., 21 novembre 1911.
Cela signifie que le transporteur sera responsable de tous les dommages causés résultant d’un manquement à son obligation de sécurité, même si le transporteur a mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des passagers.
En application de ces dispositions, le transporteur a donc en effet l’obligation de s’assurer que tous les passagers sont en sécurité pendant le transport et peut donc imposer des règles aux passagers du bus nécessaires pour assurer la sécurité au sein du véhicule.
Le transporteur est donc en droit de vous imposer de plier votre trottinette électrique puisque dans le cas contraire, la trottinette pourrait glisser, rouler ou même prendre plus de place dans le transport et donc occasionner une gêne pour les autres passagers (surtout aux horaires de forte affluence).
Ce régime légal est donc très favorable à l’indemnisation de la victime par le transporteur et non par l’auteur – passager – du dommage survenu soit en l’espèce, du propriétaire de la trottinette électrique.
Par conséquent, la victime d’une faute du passager propriétaire de la trottinette électrique n’a donc que très peu d’intérêt à rechercher une indemnisation de son préjudice par l’intermédiaire de l’assurance responsabilité civile de ce dernier.
Il est nécessaire en outre d’indiquer que la victime n’a aucune obligation de rechercher l’auteur du fait générateur ayant conduit à la survenance du dommage.
Dans ces conditions, la victime engagera donc sans nul doute la responsabilité du transporteur, les conditions de sa responsabilité étant beaucoup plus faciles à mettre en oeuvre et ce dernier étant aisément solvable.
Le conducteur du bus dans lequel est survenu le dommage risque donc également des sanctions disciplinaires dans le cadre de son contrat de travail.
Par la suite, le transporteur se retournera certainement contre le passager propriétaire de la trottinette électrique ayant entraîné le dommage et éventuellement son assureur responsabilité civile.
Cependant, le conducteur du bus a tout intérêt à assurer toutes les mesures préventives de sécurité au sein du bus afin de ne prendre aucun risque à l’égard de son employeur.
En conclusion, la responsabilité civile dont vous bénéficiez en qualité de propriétaire / conducteur d’une trottinette électrique n’a aucune incidence sur la sécurité que doit assurer le transporteur à bord du véhicule de transport en commun, ce dernier pouvant donc vous intimer de plier votre trottinette électrique.
Maître Eva DELATTRE, avocat au Barreau de Tours