Quels sont les recours juridiques face à un chien mordeur ?
« Deux amies pratiquant la marche ont été agressées par deux chiens qui divaguaient. La première qui portait des bottes a été écorchée, la seconde a été mordue à la jambe gravement, une belle entaille, soignée pendant plus d’un mois. Ces chiens, d’après les voisins du propriétaire, n’en sont pas à leur coup d’essai. Mais les autres victimes n’ont jamais déposé plainte, elles auraient été menacées par le propriétaire.
« Mes deux amies ont déposé plainte à la gendarmerie, sans se porter partie civile. Un mois plus tard, le procureur a classé l’affaire sans suite et a fait prévenir les victimes de sa décision par la gendarmerie. Mes deux amies ont fait intervenir leur assurance par le biais de la protection juridique, mais impossible d’obtenir l’adresse du propriétaire des chiens. Quelle est la solution ? Doivent-elles déposer une deuxième plainte avec constitution de partie civile ? »
De manière générale, rien ne contraint vos amies à agir exclusivement contre l’assureur du propriétaire des chiens. En l’état, elles disposent des actions et options suivantes, dont les chances de succès pourraient être conditionnées par les résultats d’une expertise pour chiffrer les préjudices corporels :
1. Se constituer partie civile pour déclencher l’action pénale. Le classement sans suite par le procureur de la République de la plainte déposée par vos deux amies ne met pas définitivement un terme à toute action pénale à l’encontre du propriétaire des deux chiens.
Il est possible de mettre en mouvement l’action publique par une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction compétent, lequel va instruire le dossier et décider, le cas échéant, de renvoyer l’affaire devant le tribunal correctionnel ; ou par une citation directe du propriétaire des chiens devant le tribunal correctionnel compétent.
Action au pénal
Si elles privilégient l’action pénale, elles devront agir impérativement dans le délai de prescription de l’action publique de six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
D’un point de vue procédural et sauf obtention de l’aide juridictionnelle, elles seront également soumises au versement d’une consignation dont le montant est fixé selon leurs ressources. Il leur sera encore possible de saisir le Service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (Sarvi) pour obtenir le versement des condamnations pécuniaires pour l’hypothèse où le propriétaire serait insolvable.
2. Actionner la responsabilité civile du propriétaire ou du gardien des chiens devant le tribunal judiciaire pour obtenir la réparation de leurs préjudices. Il s’agit alors de délivrer assignation au propriétaire de comparaître à l’effet pour examiner les demandes de réparations des préjudices directement subis.
Leurs demandes de réparation des préjudices seraient pertinemment présentées sur leur fondement de l’article 1243 du Code civil organisant une responsabilité de plein droit du gardien d’un animal responsable d’un dommage ; le propriétaire étant présumé gardien de l’animal.
L’exercice de cette action est enfermé dans un délai de prescription de cinq années à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, soit, en l’espèce, à compter du jour de l’incident.
Surveillance et évaluation
Il est probablement indispensable de signaler ces morsures auprès du maire de la commune de résidence du propriétaire des chiens. Ce signalement incombe au propriétaire des chiens ainsi qu’à tout professionnel ayant eu connaissance de l’incident.
Si ces chiens n’en sont pas à leur coup d’essai, ce signalement et les mesures précitées n’ont probablement pas été réalisés puisque, dans le cas contraire, le propriétaire des chiens est contraint à une évaluation comportementale des chiens pendant une période de surveillance.
Si le propriétaire ne respecte pas ses obligations, il peut être ordonné par arrêté du maire ou du préfet le placement des animaux dans “ un lieu de dépôt adapté ”. L’euthanasie peut par ailleurs être envisagée en cas de danger grave et immédiat et après avis d’un vétérinaire désigné par le préfet. »
Maître Nicolas FORTAT, Avocat au Barreau de Tours