Parenté, mariage, scolarité, contrat, résidence, équivalences, langue et culture : tout ce qui régit l’acquisition de la nationalité française.

« Je suis de nationalité tunisienne et j’ai obtenu un passeport talent en France en tant que chirurgienne obstétricienne valable jusqu’en 2026. Je n’ai pas fait mes études en France. Comment pourrais-je obtenir la nationalité française ? Quelles sont les conditions de métier et de temps sur le territoire ? »

Si la délivrance de votre titre de séjour « passeport talent » est soumis aux articles L.421-7 et suivants du CESEDA, les règles juridiques applicables à l’obtention de la nationalité française sont quant à elles régies par le code civil.

Dans votre situation, il convient de parler d’acquisition de la nationalité française car cela renvoie à la situation ou l’intéressé n’est pas né en France mais peut devenir français dès lors qu’il rentre dans l’une des catégories prévues par les articles 21-1 et suivants du Code civil.

L’acquisition de la nationalité française implique au préalable un examen concret et précis de votre situation personnelle et familiale afin de vérifier si vous répondez aux conditions fixées par le Code civil.

Cependant et je reviendrai sur cet aspect plus loin dans ma consultation mais la situation d’emploi ne figure pas parmi les conditions requises par les textes pour acquérir la nationalité française.

Ceci étant, selon votre situation, vous pourrez solliciter la nationalité française soit par déclaration soit par naturalisation.

N’ayant que peu d’information sur votre situation hormis celle professionnelle, je vous présente ces deux modes d’acquisition de la nationalité française afin de vous orienter pour le mieux.

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La déclaration de nationalité est possible dans les cas où la personne étrangère est mariée avec un ressortissant français ou a des liens de parenté avec un ou plusieurs individu(s) français (par exemple un frère, une sœur, votre/vos enfant(s)).

Concernant le premier cas de figure, l’article 21-2 du code civil pose une condition de durée de 4 années à compter du mariage pour que l’étranger sollicite par déclaration la nationalité française.

Ce délai est porté à 5 ans si vous ne pouvez justifier avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant 3 ans en France ou que vous n’êtes pas en mesure de prouver que votre époux français a été inscrit pendant la durée de votre communauté de vie à l’étranger sur le registre des Français établis hors de France.

Ledit article impose également que la communauté de vie affective et matérielle soit continue depuis le mariage.

L’époux français doit avoir conservé sa nationalité.

Enfin, il vous sera demandé si vous rentrez dans de telles conditions de justifier de votre connaissance de la langue française au moins équivalente au niveau B1 du cadre européen commun de références pour les langues (article 14 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993).

Si vous avez suivi vos études en TUNISIE comme je le suppose, vous devrez fournir une attestation de comparabilité du centre ENIC-NARIC justifiant que vous avez effectué vos études en français et obtenu un diplôme supérieur ou équivalent au niveau 3 (Certificat d’aptitude professionnelle) ce qui est votre cas compte tenu de votre emploi actuel.

Le fait que vous n’ayez pas suivi votre cursus universitaire en France n’est en aucun cas un frein à l’obtention de la nationalité française.

La naturalisation renvoie à l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique c’est-à-dire par décret (article 21-15 du code civil).

Le code civil pose une série de conditions lesquelles doivent être impérativement remplies par le demandeur.

Si dans votre cas, la condition minimale d’âge fixée à 18 ans ne pose aucune difficulté, il convient en revanche de s’intéresser notamment à celle relatives aux bonnes mœurs et aux condamnations passées prononcées par une juridiction pénale.

Les termes « bonnes vie et mœurs » issues de l’article 21-23 du code civil renvoient au comportement de la personne laquelle doit être irréprochable, honnête.

Si cette condition peut paraître comme facilement remplie par tout un chacun au premier abord, il faut toutefois vous préciser que l’article 36 du décret de 1993 prévoit qu’une fois destinataire d’une demande de naturalisation, l’Administration fera réaliser par les services de police ou de gendarmerie une enquête.

Le simple fait d’avoir fait l’objet par exemple d’une condamnation à une peine d’emprisonnement ferme égale ou supérieure à 6 mois empêche par principe l’accès à la nationalité française bien que l’autorité publique puisse écarter de manière discrétionnaire dans le cadre de son appréciation les condamnations passées.

Ensuite, il est exigé du candidat à la naturalisation qu’il justifie de son intégration dans la société française en ayant notamment une connaissance de la culture, de l’histoire françaises et de l’adhésion aux valeurs de la République.

Ceci renvoie à mon précédent développement concernant la déclaration de nationalité puisqu’il vous sera demandé de justifier d’une connaissance de la langue français à l’écrit et à l’oral au moins égale au niveau B1.

Comme indiqué précédemment, vous pourrez justifier de ce niveau en produisant votre diplôme.

Également, le niveau des connaissances attendues est sanctionné d’un entretien avec un agent de la préfecture lequel vous posera des questions sur l’histoire française ou encore les institutions de la République.

Les connaissances requises figurent dans le livret du citoyen téléchargeable sur le site du ministère de l’Intérieur. 

Enfin, vous devrez remplir une condition de résidence habituelle en France.

Si par principe, l’article 21-17 du code civil fixe cette durée de résidence à 5 ans, des exceptions sont énoncées aux articles 21-18 à 21-20.

La durée précitée peut être réduite selon les cas soit à 2 ans ou ne pas être exigée du tout dès lors que vous rentrez dans l’une des conditions énumérées par le texte.

Eu égard aux éléments en ma possession, je considère que vous pourrez éventuellement bénéficier de l’exemption de la condition de stage de l’article 21-20 uniquement si le français est votre langue maternelle ou si vous avez été scolarisée au moins 5 ans dans un établissement enseignant en français.

N’ayant pas d’information précise sur ces deux points, je ne peux pas vous certifier que vous remplissiez les conditions de l’article 21-20 susvisé.

En revanche, le 2° de l’article 21-18 du même code permet aux personnes concernées de voir la condition de stage réduite à 2 ans dès lors que la personne a rendu ou peut rendre par ses capacités et ses talents des services importants à la France.

N’ayant pas trouvé de jurisprudences transposables à votre situation, je considère néanmoins qu’en raison de la nature de votre emploi et de sa haute technicité vous pourriez bénéficier de la dérogation prévue par les dispositions susvisées.

Cependant si cette appréciation reste la mienne, l’autorité publique pourrait avoir une approche différente et ne pas considérer que vous répondez à la condition du 2° de l’article 21-18 du code civil.

Plus avant, j’ai abordé succinctement votre situation professionnelle.

Si à la lecture des textes du Code civil régissant l’acquisition de la nationalité française ne figure pas la condition d’emploi, il s’agit néanmoins d’un élément important dans l’appréciation que porte l’Administration sur une demande d’obtention de la nationalité française.

En cas de demande d’acquisition de la nationalité française, la préfecture examinera de façon concrète votre situation professionnelle.

Autrement dit, elle portera une attention particulière, par exemple, à l’emploi que vous exercez, aux diplômes obtenus etc…

Enfin, si vous entendez effectuer une demande de naturalisation, il faut savoir que les modalités de dépôt des demandes ont été modifiées par le décret n°2023-065 du 3 février 2023.

Désormais ces demandes devront être faites par voie dématérialisées sur le site internet https://administration-etrangers-en-france.interieur.gouv.fr/particuliers/#/

À défaut, vous vous exposez à ce que la préfecture vous renvoie votre dossier par voie postale…

Aussi, l’autorité publique est tenue de vous apporter une réponse quant à votre demande de naturalisation au plus tard 18 mois à compter de l’envoi de votre dossier complet.

Maître Jérôme DAMIENS-CERF, Avocat du Barreau de Tours